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PALOMAS
CANYON
Gérard Oberlé
Paru aux
Editions du Cherche Midi
Mars 2002
Un extrait
Bob est un cow boy délicat et gentil, de l'espèce que James Stewart a incarnée à
l'écran. Il a confié mes miches à Yerba Buena, une jument débonnaire, dotée de la
sagesse affable de ceux qui ne sont plus dans la course. Quand j'ai grimpé sur la selle,
ma rossinante a toute de suite pigé qu'on n'allait pas lui demander de décrocher le prix
de l'Arc de Triomphe. "Ce pauvre type est bien plus déglingué que moi !"
qu'elle s'est dit, soulagée. Ca a tout de suite instauré un climat de confiance.
A perte de vue, une succession de collines
pelées et de ravines couvertes de yuccas, de mesquite, de cactus et de broussaille
épineuse. Au loin à l'ouest, le pic de San Cayetano, puis la chaîne des Astacosa et,
plus au sud, les montagnes Pajarito. Au détour d'une crête, la jument s'est arrêtée
brusquement. Elle a tourné la tête vers la droite de la piste comme si elle voulait me
montrer quelque chose. Devant nous s'ouvrait une large vallée ombragée par de grands
sycomores aux troncs d'argent. Tom m'avait déjà signalé l'endroit, Cochise y
avait campé. Plus loin, les ruines d'un ancien village apache. "Je suis très ému
chaque fois que je passe ici, m'avait confié Tom. Aujourd'hui, je suis en quelque sorte
le gardien de ce territoire. Crois bien que pour moi, il est aussi sacré que le Sinaï ou
l'Acropole :"
Brave jument ! sans doute avait-elle
l'habitude de s'arrêter à cet endroit quand Bob baladait ses clientes et leur rapportait
l'anecdote. Je lui ai tapoté l'encolure, "Good girl, Good girl ! " et elle
s'est remise à trotter gentiment. Le chef des Apaches Chiricahua a eu plusieurs fils. Je
me suis demandé si la lignée Cochise était aujourd'hui éteinte. Bob m'a raconté qu'un
jour le gouvernement de la région lui avait ordonné de rassembler des troupeaux nomades
qui vadrouillaient depuis des années. Les taureaux étaient redevenus sauvages, certains
d'entre eux, nés dans l'errance, n'avaient jamais été approchés par des hommes. Bob
manquait de vachers pour ramener ces bestiaux au ranch, et la dizaine de cow-boys qu'il
avait recrutés ont échoué. Au bout d'une semaine ils ont déclaré forfait, la plupart
d'entre eux étant incapables d'approcher un taureau sauvage. Lassé, Bob a fait appel à
trois Apaches qui, deux jours plus tard, ont ramené les troupeaux sans la moindre
difficulté. |