Conférence animée Ces dames de l'Ouest sont quatre. Il y a Pam Houston, Judith Freeman, Karla Kuban et Suzan Power. Elles sont accompagnées de Francis Geffard, des Editions Albin Michel, dont la passion pour l'Ouest américain et les Indiens a donné naissance à la collection TERRES D'AMERIQUE. Toutes, elles donnent dans leurs livres une image de l'Ouest sauvage qui n'a plus rien à voir avec la littérature exotique de l'époque des cow boys et des indiens ou de la ruée vers l'or. C'est plutôt une image variée de l'Amérique d'aujourd'hui qu'on peut y trouver. Leurs personnages, bien qu'Américains, sont très proches de nous, que l'on habite à St Malo ou Paris. Dans leurs livres, les héros se confrontent à leur pays et à sa culture. Pam Houston, née dans les années 60, publia l'an dernier J'AI TOUJOURS EU UN FAIBLE POUR LES COW BOYS, elle décrit dans ce recueil de nouvelles les attributs virils des relations homme/femme, les rapports de force sur lesquelles tout est basé, dans un pays dont la culture est par essence basée sur violence et domination. Richard Ford a eu un coup de foudre pour cette première oeuvre. Susan Power est née à Chicago en 1962. Sa famille est originaire de la réserve de Standing Rock, dans le Dakota du Nord. Elle écrit sur plusieurs générations entremêlées d'indiens Sioux. Elle transcrit dans son livre - DANSEUR D'HERBE - ALBIN MICHEL, 1994 - un véritable amour de son identité et une grande conscience de son appartenance à la culture des Sioux. Judith Freeman, née en 1946 dans le Nord de l'Utah, est critique littéraire pour le LOS ANGELES TIMES et vit le reste du temps dans le nord de l'Idaho. elle a déjà écrit trois romans. Elle présente dans toute son oeuvre une épopée mystique de la colonisation de l'Ouest, et du désert américain par les Mormons, au XVIIIe siècle. Elle propose une réflexion sur la polygamie, elle qui, comme beaucoup d'américaines du XXe siècle, est préoccupée par la condition féminine. Son premier roman traduit en français est ET LA VIE DANS TOUT CA, VERNA ? qui a été publié en 1999 chez ALBIN MICHEL. Karla Kuban, âgée d'un peu plus de 40 ans, née à Minneapolis, vit aujourd'hui à Santa Fé. Son premier roman, HAUTE PLAINE, est en cours d'adaptation pour le cinéma. L'action se situe à la fin des années 60, avec la Guerre du Vietnam pour fond. Elle y traîte, entre autres, du conflit entre mère et fille. Dans ce qu'elle décrit, nul imagerie bucolique, mais un mélange de pulsions de vie et de mort, de très violentes émotions.
Pour Susan Power, le fait de pouvoir expliquer son propre monde et ses propres
expériences revenait à survivre. "J'ai beaucoup lu pour m'échapper. J'adorais ça.
Cela revenait à connaître d'autres mondes, à fuir le monde réel, à dire je
m'identifie à ce que je lis, c'est ma propre expérience. J'aimais pouvoir lire à
travers le filtre de ma propre vie. Comme je vivais à Chicago, j'étais la seule indienne
dans ma classe. Dans les manuels scolaires, on présentait les femmes et les filles
indiennes comme des êtres usés et abusés par les hommes. Alors j'avais besoin
d'exprimer que c'est faux, que dans notre culture, les femmes sont fortes. On m'avait
appris dans ma famille la tolérance, aucun rôle n'est directement assigné aux hommes ou
aux femmes. Et nous femmes indiennes pouvons facilement jouer des rôles de leader
politique.Je voulais qu'à travers ma voix d'écrivain, des gens de ma génération, des
indiens puivent se reconnaitre, je voulais traduire mon expérience pour que d'autres
indiens puissent ce reconnaître dans mes écrits. Susan Power affirme que son travail est sûrement bien plus autobiographique qu'elle ne voudrait l'admettre. "C'est un peu ironique d'affirmer aujourd'hui que les indiens, vus comme des écolos aux Etats Unis, écrivent comme des champions de la défense de l'environnement, alors que moi, je suis une vraie citadine, j'ai grandi à Chicago, en pleine ville. Mon paysage, ce n'est pas les grandes plaines, c'est surtout l'environnement humain, le quartier, les amis. Je n'allais dans la réserve indienne que de temps en temps rendre visite à ma famille. Quand j'écris, c'est comme si quelqu'un venait à moi et demandait à être entendu. Ma mère dit que ce sont mes ancêtres qui viennent me parler. Je dois admettre qu'elle a raison. Mes personnages, surtout les hommes, et surtout les indiens, ne veulent pas coopérer. Ont-ils existé, sont-ils issus de mes souvenirs ? Je me sens fréquemment hanté par quelqu'un qui demande à ce qu'on l'entende. Un jour, j'ai écrit sur une femme en robe rouge, une héroïne. Ce que j'écrivais sur elle venait si facilement, de manière si fluide... A la sortie du livre, beaucoup d'indiens me demandent : mais de qui donc ce personnage s'inspire-t-il ? Je réponds bien sûr que ce n'est que pure invention ! Mais ma mère alla consulter les archives indiennes et découvrit alors qu'une femme guerrière, qui survécut à de nombreuses batailles, et qui portait tout le temps une robe rouge, avait bien existé ! Judith
Freeman quant à elle reconnait que "les possibilités de la fiction sont
immenses. La plupart des ses fictions sont autobiographiques. Nos propres vies se
racontent entre mémoire et imagination. C'est un gros deal, intéressant, auquel
l'écrivain a affaire. Il faut qu'il gère ce rapport entre souvenirs et imagination. La
fiction décrit ce qui nous rend humain, ce qui nous connecte, ce qui nous relie. Elle
permet d'aborder les choses de la vie de façon oblique, incongrue. Dans la
"non-fiction", seule la mémoire intervient. Dans le roman, l'écrivain possède
la maîtrise intégrale du déroulement du temps, pouvant résumer plusieurs dizaines
d'années à un ou deux paragraphes. Je pense que la fiction permet de mieux comprendre la
condition humaine."
Compte-rendu : C.J.
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PRESENTATION DES QUATRE ROMANS
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