Resume Le bruit et la fureur



































LE BRUIT ET LA FUREUR
titre original : The sound and the fury
Le bruit et la fureur US.gif (4956 octets)
William FAULKNER

William Faulkner
Une lecture proposée par Jean-Christophe

Les préfaces sont généralement écrites pour ne pas être lues. Ou alors comme des postfaces lorsqu’on veut approfondir son plaisir. Il serait cependant dommage de faire l’impasse sur celle du Bruit et la Fureur tant les précisions apportées par le traducteur permettent d'aborder le récit plus facilement.

L'histoire en deux mots : celle de Quentin, Benjamin, Jason et Caddy, les quatre enfants de Jason et Caroline Combson entourés de leurs domestiques noirs. Quentin qu'un amour incestueux lie à Caddy se suicidera à Harvard pendant que Caddy répudiée par son mari confiera sa fille (prénommée Quentin en hommage au frère disparu) à ses parents. Benjamin, débile mental, pleure l'absence de sa soeur Caddy. Jason s'occupe mais surtout profite de sa mère (ultra névrosée) et de sa nièce, ulcéré par le déclin de sa famille il se mure dans le ressentiment et la haine. Autour des Combson gravitent les serviteurs noirs dominés par la figure de Dilsey, incarnation de la bonté.

Pour entrer dans les livres de Faulkner il faut en accepter le tempo et sortir de l'habituel rythme binaire de lecture. Le récit de Benjamin qui en constitue la première partie, est une mélopée lente et répétitive qui emporte le lecteur petit à petit. L'écriture s'apprécie dans la longueur et demande de s'y laisser absorber. Voilà un écrivain à qui les extraits ne peuvent pas rendre justice, et dont on n'ira pas reprendre des formules brillantes pour attirer le chaland.

La deuxième partie relate la dernière journée de Quentin avant son suicide. Cette fois Faulkner sur un texte de facture à priori plus classique multiplie les dissonances. Comme la lumière vient se diffracter sur un prisme, le texte vole en éclats. Faulkner fait exploser l'ordonnancement traditionnel. La préface se réfère à l'impressionnisme, c'est pourtant le cubisme qui vient à l'esprit tant les perspectives sont tordues, imbriquées les unes dans les autres, les angles multipliés et les points de vue superposés. D'ailleurs la construction de l'histoire ne respecte pas non plus la chronologie : la première partie se déroule le 7 avril 1928, la seconde en 1910, la troisième le 6 avril 1928 et la quatrième le 8 avril1928.

Des échos du passé resurgissent dans la mémoire de Quentin et viennent oblitérer le présent, au point de lui faire perdre pied avec la réalité. La lecture est une véritable épreuve (à tous les sens du terme), mais le récit ne livre sa beauté qu'au prix de cette épreuve. Au delà de la démarche extrêmement ambitieuse de l'écrivain, c’est l'écriture qui frappe, elle ne lâche pas les personnages, ne s’autorise pas de virtuosité vaine, ni de digression, juste les personnages et leur histoire.

Jason est le narrateur de la troisième partie. Là encore le texte est étouffant, Jason crache sa hargne et justifie sa médiocrité par des chances qui ne lui auraient pas été accordées contrairement à son frère décédé et à sa soeur. C'est le discours haineux et désespéré de celui qui s'exonère à l'avance de toutes ses bassesses. Si dans la partie précédente Faulkner consentait des moments de grâce, des respirations (description du soleil dans les arbres et sur les baigneurs, souvenir du nègre sur son cheval, la compagnie de la petite fille), on reste ici dans la lie de l'humain. Et à cet égard, l'emploi de la première personne implique encore davantage le lecteur.

Dans la dernière partie, l'histoire s'accélère et l'auteur reprend la parole, Quentin s'enfuit en piochant trois mille dollars dans la cassette de son oncle. Jason se lance à sa recherche.

Ce livre est une véritable déflagration. Non seulement à cause des personnages et de leur destin mais aussi de l'écriture, de son rythme, de ce forage dans la détresse humaine. On le lit une première fois, on en ressort commotionné mais on n'en est pas quitte avec lui. On sait qu'il faudra y retourner un jour.

Jean-Christophe

William Faulkner sur le Web


Article de Thomas Sonnefraud sur le site "L'oeil Electrique"

Lien avec L'Oeil Electrique