De gauche à droite, Patrick Raynal, puis Susan Power, puis Chris Offutt

Animatrice du débat : Martine Laval (Télérama) , qui attrape un micro. Juste à ses côtés, Robert Simms Reid.

ETRE UN ECRIVAIN AUX ETATS-UNIS

Extrait d'un article du Magazine LIRE, numéro de Mars 2000 (N° 283) : OU FAIT-IL BON ETRE UN ECRIVAIN ?

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TC. Boyle vit de ses romans et de collaborations à des revues littéraires depuis le premier succès de Water Music. Il évoque lui aussi " la chance d'avoir pu se considérer dès le début, à ses propres yeux, comme un écrivain". Comme tant d'autres, il a connu quelques années chaotiques (en étant successivement barman, junkie, pêcheur...) avant de s'inscrire dans un atelier d'écriture. La plupart des écrivains de ma génération ont participé à des ateliers d'écriture et enseignent à leur tour. poursuit TC Boyle. C'est d'ailleurs ce qui a fait dire à Saul Bellow que "sur les campus, les professeurs écrivent des romans qui sont ensuite enseignés à des étudiants qui publient eux-mêmes des romans, et ainsi de suite. Ce désir frénétique d'apprendre l'écriture dans des ateliers est bien réel aux Etats Unis, d'autant que les écrivains qui ne vivent pas de leur plume occupent massivement ces postes./ Les ateliers les plus prisés sont ceux où enseignent les grands noms de la littérature actuelle. Ainsi, c'est John Irving qui a enseigné l'écriture à T.C. Boyle.Du coup, les écrivains ont tendance à s'agglutiner autour des lieux aussi différents qu'Iowa City (Iowa), Missoula (Montana), ou Berkeley (Californie). Partout, la fièvre créatrice est la même, et la mode est à l'entraide. Ce qui est loin d'être le cas dans la jungle des grandes villes, New York en tête. New York est une ville pour les carriéristes.

Laissons la parole à Susan Power : "Quand j'étais plus jeune et que je commençais à écrire, je devais gagner ma vie en même temps. Un jour, ma mère m'a envoyé un article qu'elle avait découpé sur l'école d'Iowa City. Ma réaction fut un tel enthousiasme que j'ai lu et relu cet article jusqu'à ce qu'il tombe en miettes... Si j'ai envoyé ma candidature, ce n'était pas pour apprendre à écrire, car je pensais savoir déjà le faire. Je voulais surtout apprendre à communiquer mes idées, je voulais vivre avec d'autres dans cette religion qu'était pour moi le fait de lire, relire, écrire, et discuter sur ses écrits, sur ses fictions. Iowa City, c'est un laboratoire magnifique, ou pendant trois ans, on se confronte aux autres, on prend un certain recul sur ce qu'on écrit.

Robert Simms Reid est interrogé sur la raison qui l'a fait venir dans le Montana, à Missoula. Je voulais retourner dans le Montana, même avant de savoir qu'il existait une telle école à Missoula. Je l'ai su peu avant de partir. J'avais 13 ans quand j'ai choisi d'écrire. Quand je suis parti pour le Montana, j'avais 27 ou 28 ans, et j'ai passé deux ans là bas.

Dans chaque fournée d'étudiants, quel est le pourcentage qui va devenir réellement écrivain ? Au départ, pour chaque promotion, 1000 dossiers de candidatures sont reçus, alors que seulement 24 places sont disponibles. Sur les diplômés en fin de cursus, seuls 10 % réussiront à gagner leur vie avec le métier d'écrivain. Il faut savoir qu'aux Etats Unis, le soutien financier pour les artistes et les écrivains est inexistant. Mais dans les ateliers d'écriture, si vous ne pouvez subvenir à tous les frais d'étude sans être obligés de travailler en même temps, l'université prend en charge financièrement votre scolarité.

Dans ces ateliers, chacun arrive avec son propre courage artistique et esthétique, avec sa propre imagination. Normalement, on doit donc pouvoir éviter l'uniformisation qui pourrait exister dans les écrits, puisque la technique enseignée est la même pour tout le monde. Cependant, certains auteurs vont passer toute leur vie à enseigner dans les workshops, c'est la que réside le danger, si les professeurs ne se renouvellent pas. Richard Hugo disait qu'on ne devrait pas pouvoir enseigner l'écriture sans d'abord avoir exercé pendant 10 ans un tout autre métier. Les deux principales qualités dont doit faire preuve un professeur d'écriture sont l'objectivité et la générosité. Il doit savoir prendre du recul par rapport à ses propres goûts, par rapport aux goûts "classiques".

Le diplôme qui est à décerné à l'issue de ces 2 ou 3 ans d'étude est une base. Ensuite, l'apprentissage du métier d'écrivain doit continuer.

Quant aux techniques d'apprentissage employées, Chris Offutt explique que dans son cours, l'étudiant "Tom" arrive avec son histoire, que les autres membres de la classe l'ayant lu la remette "à plat" pour l'améliorer, la rendre plus "efficace". On va aider les gens à voir leurs fautes. Il existe des erreurs communes qu'on commet tous, et des erreurs particulières à chacun : celles-ci, il faut apprendre à les repérer. Dans ces cours, des liens d'amitié et d'entraide solides se créent. Nos correcteurs deviennent nos amis, et continuent de nous faire bénéficier de leur regard critique sur nos oeuvres.

On prend aussi des exemples dans des oeuvres très connues sur la compression du temps, par exemple : raconter la vie du héros pendant 20 ans en trois paragraphes. Et on s'exerce à faire se genre de choses.

Aux Etats Unis, ces ateliers ont le rôle primordial d'être le seul lieu qui maintienne la passion pour la littérature.