Interview par Borders.com















Interview de Septembre 1998
par BORDERS.COM
à l'occasion de la sortie de

LA ROUTE DU RETOUR

Traduction en français : Emmanuelle Allain

Dans La Route du Retour, on rencontre 5 personnages. Que pouvez-vous nous dire des défis que cela représente pour un écrivain, et y a-t-il un personnage qui émerge et qui vous intéresse plus ?

JIM HARRISON : Le véritable problème en matière de fiction, et quand on fait parler différents personnages, dans ce cas cinq, est que vous devez comme un acteur, entrer dans la peau de chaque personnage. Ceci m'a posé quelques problèmes, spécialement dans la première partie du livre, lorsque j'ai du "incarner" un vieil homme en train de mourir, à la  personnalité excentrique, vivant au 19e siècle.  Le problème étant de revenir à la réalité. Cela m'a pris trois bons mois pour sortir de ce personnage avant de pouvoir avancer sur le reste du livre. Je marchais souvent en forêt, courbé sur ma canne, me sentant ridicule. Le second personnage, le jeune Nelse, était difficile pour d'autres raisons, car avec mes 60 ans, j'ai oublié ce qui peut tant révolter un jeune homme de 30 ans. J'ai beaucoup interrogé les jeunes hommes de mon entourage, et j'ai aussi du relire mon premier roman, Wolf. Le personnage de Paul s'est révélé plus simple  à cerner, car il a  un caractère proche du mien. Je m'en suis bien sorti avec Dalva, car je la fréquente depuis longtemps.

Dans le roman La Route du Retour, comme dans le précédent, Dalva, vous continuez d'explorer les thèmes majeurs comme l'amour, le deuil et la mort et comment ces thèmes entrent en relation avec un environnement naturel. Que dire des paysage de la péninsule du nord Michigan et/ou du Nebraska, qui continuent d'alimenter votre imagination ?

JIM HARRISON : Je pense que c'est Lorca qui a dit que les thèmes majeurs de la littérature sont l'amour, la souffrance et la mort. Certains lieux comme la péninsule Nord ou les Sand Hills du Nebraska sont relativement protégés de l'asepsie et des rebuts de notre culture, ainsi, l'on peut se tourner plus naturellement, vers l"'ailleurs", ces vérités anciennes de l'existence humaine dont parlait Faulkner.

Quel a été le premier des romans que vous ayez lu qui vous ait laissé une impression durable ?

JIM HARRISON : Je ne peux pas réellement m'en souvenir . Probablement "Les hauts de hurlevent" lorsque j'avais 12 ans et aussi le Zane Grey qui est banal, ainsi que les copies des romans d'Erskine Caldwell que ma mère ne voulait pas que je lise.

Pouvez-vous nous dire quels ouvrages sous-évalués, méritent selon vous une plus large audience ?

JIM HARRISON : Un des ouvrages les plus sous-évalués de l'année dernière est Mille femmes Blanches de Jim Fergus. et aussi tous les livres du grand Merrill Gilfillan. Parmi les ouvrages plus récents, le "Go by go" de Jon Jackson. Ou bien encore un truc énorme, comme 'Independent people" de l'auteur Islandais Haldor Laxness, sur lequel T. Mc Gane et aussi la préface brillante de Brad Leithauser ont attiré mon attention.

Comment le bouddhisme zen a-t-il influencé votre travail ?

JIM HARRISON  : Cela fait vingt-cinq ans que je pratique le zen, mais je ne peux pas dire que je sois bouddhiste, puisque ma culture est totalement chrétienne. L'influence la plus évidente du zen se traduit par le niveau d'attention que vous apportez à votre vie. Je pense y être parvenue en grande partie grâce à l'influence et à l'amitié de Peter Matthiessen, Gary Snyder et Dann Gerber. Le  cheminement crée la voie. Les cendres ne se retransforment pas en bois.

Cela vous intéresse-t-il de savoir comment les critiques appréhendent votre travail?

JIM HARRISON : Cela ne m'intéresse pas plus que ça, puisque lorsqu'un livre sort, je suis déjà au travail sur autre chose. Je suppose que mes meilleures critiques sont venues de France, cependant je ne comprends pas tout ce qui est dit dans les articles. C'est assez plaisant, un peu comme un enfant qui entendrait les adultes deviser gaiement sans trop savoir ce qu'ils sont en train de dire. Je m'en suis tiré plutôt raisonnablement ces derniers temps en Amérique, même si vivre loin du centre des ambitions (NY) implique certaines limitations.

Quel est votre plat favori et quel vin choisiriez-vous pour l'accompagner ?

JIM HARRISON   J'ai un tas de plats favoris, mais je suppose que celui que je préfère vraiment, a été cuisiné pour moi par un ami français, Gérard Oberlé, dans sa maison en Bourgogne. Il a été récemment publié dans le nouveau numéro de "Saveur". C'est une recette de poulet farci avec des truffes à mille dollars. Je conseille pour ce plat un vieux Côte Rôti, cependant mon vin préféré est le Domaine de Tempier, un bandol de Provence. A cause d'une récente tournée promotionnelle en France, et parce que j'ai eu
trop d'invités français à la maison, j'ai du manger français pendant 30 jours et j'ai très envie d'un de ces hot-dog qu'on trouve à Chicago, un de ceux dans lesquels on met de tout. Lorsque je retournerai à NY, j'irai au Papaya King sur la 86e et je commanderai un hot-dog avec de la choucroute, ensuite je m'arrêterai chez Rai, sur la 3e avenue et je prendrai une part de pizza. Tout ceci ne m'empêchera pas d'aller aussi chez Elaine, manger une énorme côte de veau bardée d'ail, que je ferai descendre avec un vieux Barolo.

Je vous en prie, souvenez vous du fameux précepte : "manger ou mourir".

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