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"La Bourgogne, Gérard et moi"

Le Figaro Magazine
du Vendredi 29 mars 2002
Traduction par Gilles Morris Dumoulin et Nathalie Proth
Extraîts
A l'occasion d'un séjour avec
ma femme, nous nous sommes arrêtés à la cathédrale d'Autun pour dédier un cierge et
une prière à la guérison de cette méchante hépatite que Gérard avait rapportée
d'Egypte. Je ne suis pas catholique, j'entre rarement dans une église, mais j'avais
toujours eu envie d'allumer un cierge devant un autel. J'avais vu, dans un film, Ava
Gardner s'agenouiller pour faire exactement ça, et mes sentiments ambivalents n'avaient
rien de religieux. Quoi qu'il en soit, Gérard, guéri de son hépatite, s'est remis à
boire du vin. Plus qu'il n'en faut pour ramener à la religion n'importe quel mécréant.
Si je reviens sur ses arpents, c'est parce que le tourisme n'a pas réussi à exercer ses
ravages sur le mystère de cette contrée rurale. Je m'y sens totalement chez moi, et
comme je vis plutôt isolé en Amérique, je trouve stimulant de pouvoir parler à un
écrivain d'une si grande culture et avec qui je partage tant d'obsessions. Aux Etats
Unis, les auteurs ne parlent guère entre eux que des fluctuations du marché, mais en
France, il s'en trouve qvec qui l'on peut aborder, avec bonheur, le chapitre de la
littérature et des idées, sans négliger la bonne chère et les vins.
Le dîner chez Gérard est
toujours abondant et fertile en sensations fortes. Une fois, il m'a préparé mon plat
favori, une "poularde demi-deuil" avec une foison de truffes. Quels rêves j'ai
pu avoir la nuit suivante ! Brusquement, je me suis cru en 1950, bloqué dans une mine de
charbon avec Jeanne Moreau sur un lit confortable. Une autre fois, Marc Meneau m'a
préparé un pied de cochon farci de foie gras et de truffes, plus une authentique vieille
recette de coq au vin, avec un magnumde clos de La Roche pour faire glisser le tout. Lors
d'un autre dîner, Didier Dagueneau s'est pointé avec une caisse de son magnifique vin
glanc.
A son tour, Gérard est venu me
voir dans le Michigan, en Arizona et dans le Montana où j'ai essayé de lui refaire une
santé avec des nourritures sauvages telles que tétras, cailles, bécasses, truites, et
venaisons. Un jour, il m'a montré la maison du Morvan dans laquelle il avait imaginé son
héros Chassignet grandir. Je lui ai fait connaître, à mon tour, des paysages de roman,
réels ou imaginaires... |