Article la voix du Nord















Jim Harrison affamé de... signatures
Article de Geoffroy Duffresnes
publié dans La Voix du Nord le 27 septembre 2002

Le romancier américain était à Lille
pour son nouveau livre : Aventures d'un gourmand vagabond

Photo de Mathieu Bourgois.jpg (8375 octets)
photo de Mathieu Bourgois

J'ai vu des femmes enceintes affirmer à Jim qu'elles appelleraient leur fille Dalva, raconte l'éditrice Dominique Bourgois, qui accompagnait Jim Harrison à la librairie "L'arbre à Lettres". On ne sait si l'état civil nordiste verra fleurir des Dalva en 2003, mais il y avait hier une jolie file de fans, jusqu'à la rue Erquermoise où, quelques minutes plus tôt, le gros ours de Leelanau était allé lécher des caramels chez "Meert" (Les meilleurs de ma vie !!)

Ours, mais de l'espèce câline qui rassure les enfants, car c'est muni d'un mot ou d'un dessin pour chacun que le vieux copain de Jack Nicholson (le "sponsor" de ses débuts)   aligna les signatures. Affamé de contacts humains, et surtout français, à l'occasion de la publication d'un recueil de textes narrant ses plaisirs culinaires et littéraires unis !

Dalva à l'état civil : Dalva, long roman qui connut une suite en 1998, fut publié en France en 1989. Le corpulent Harrison, adepte de romans sur les chiens, la chasse, la pêche, l'amour, la mort, et les castors, prouvait qu'il pouvait se glisser dans la peau d'une femme. Jim est si paradoxal ! Le père agronome et fermier ne dédaignait pas les livres : Jim en mangea (vraiment) bébé. Motivé par ses profs et inspiré par Henry Miller, et ses lectures françaises, il crut rejoindre le monde des lettres à New York mais fuit Gotham City (certains sont effrayés par la forêt, moi c'est par la civilisation !)

Aujourd'hui, il alterne les courtes visites urbaines (Paris, Barcelone, San Francisco) et le refuge dans sa cabane de Grand Marais où il rédige en écoutant parfois de la musique : bel canto (j'ai écrit la Femme aux Lucioles avec un disque du Français Lammanier), jazz (Savez-vous que Dave Brubeck était fermier et lançait le lasso ?), hillbilly (j'adore Jimmy Buffet) ou blues : à l'évocation du Club de Buddy Guy que l'on a visité à Chicago, il montre la chair de poule sur son avant-bras (vous venez de me faire penser à ma chanson favorite !) Le frisson, nous, pauvres français, l'aurions parmi les bêtes sauvages qui rôdent dans sa Péninsule Supérieure. Lui, rigole (Un jour, j'écoutais du Beethoven pour chercher l'inspiration et un jeune ours a pointé son museau à ma fenêtre. Il semblait aimer).

Buvant deux litres de bon rouge, fumant sans cesse, toussant et prenant aussitôt un médicament, le gourmand vagabond goûta le Vieux Lille (Miam !!! on dirait du reblochon !) en répondant à nos questions intimidées.
Il avoua n'avoir jamais mis les pieds en Belgique mais avoir l'estomac intrigué (j'ai fait de la carbonade flamande avec de l'élan, de l'antilope, et de l'ours.

Ses jugements sont parfois à l'emporte-pièce de boeuf : Saddam Hussein ? Un homme qui boit du si mauvais vin ne m'inspire pas confiance. Chirac ?
J'ai lu qu'il aime la tête de veau et qu'il s'arrêtait à chaque stand du Salon de l'Agriculture pour manger. C'est mieux !

Jolis coups de fourchettes !

 

Quelques bons mots de Jim à Lille

Michigan : C'est un pays de fermiers, de pêcheurs, où j'ai mes racines. Hélas, maintenant, avec l'effet de mode, il y  a tant de républicains qui achètent terrains et maisons, cela change tout...

Suède : C'est le pays de mes ancêtres où je ne suis jamais allé. Mon frère, si. Moi, je me sens très peu attiré. Mais j'aime les écrivains scandinaves comme Hamsun,  Strindberg, Laxness. Et Stig Dagerman : terrible ce gars qui se suicide alors qu'il avait une si jolie femme !

Politiques
Je ne crois pas en leurs discours. Ils emploient toujours les mêmes mots privés de sens.

World Trade Center
J'ai une cousine intelligente et jolie, mère de trois enfants, dont le mari est mort dans une tour. J'étais en colère. Aux Etats Unis, tout le monde se précipite sur les livres sur l'Islam et l'Afghanistan, alors qu'il suffit de lire l'histoire de l'après guerre mondiale pour comprendre que l'on a créé ces pays de toutes pièces.

Saddam
Un gars qui boit un mauvais rosé et qui demande à ses femmes de se laver trois fois par jour parce qu'il n'aime pas l'odeur féminine n'est pas crédible.

Attentats
Je ne peux comprendre une attaque contre des civils. Le Pentagone était une cible militaire. Dans les tours, à cette heure là, il y avait de modestes employés, de toutes origines. Les chefs arrivent plus tard. Je ne comprends pas non plus ces gens qui soutiennent l'Ira chez nous.

New York
L'impact du 11 septembre est dû au fait que les médias sont concentrés à New York. On a moins parlé d'Oklahoma City, alors que l'attentat méritait aussi une profonde réflexion.

Frappes préventives
Pour Georges Bush, tout ce qui est ennemi potentiel est attaquable sans justification préalable : Irak, Pakistan, Chine, Corée... j'aimerais bien être professeur et aller lui enseigner l'histoire de la Guerre du Vietnam.