THOMAS
MC GUANE
Né en 1939 dans le Michigan
"j'ai toujours regardé l'Ouest comme un astre en train de s'éteindre"
Mc Guane doit sans doute à son ascendance irlandaise ses galeries de forts en gueule, à sa succession de séjours en Floride, dans les Keys, et au Montana, des espaces toujours réexplorés et ses personnages hauts en couleur. Son monde est un monde viril de l'énergie et de la dépense ; au delà des avatars géographiques c'est l'Ouest mythique que ses héros poursuivent. Ses romans prolongent nombre de traditions américaines : nature tragique à la Hemingway, humour et dysepsie à la Mark Twain. Ses héros violents sont des bavards et des hâbleurs. Ils sont souvent cruels, un peu perdus, attachants, le langage de Mc Guane tente de faire saisir le contraste qui est au centre de son uvre : la barbarie d'une civilisation matérialiste face aux beautés tragiques et passionnées d'une nature toute-puissante.
Extrait
de l'article de Patrick Raynal
SUR LA ROUTE,
Grands Reportages (mai 1997)
Pour arriver chez Thomas Mc Guane, il faut quitter la 10 à Big Timber et passer le minuscule bureau de poste de Mc Leold. Après, c'est facile. Le ranch de Tom est simplement le plus beau du coin : un nombre d'hectares à rendre jaloux un département, une maison qui date du temps où le Montana n'était pas encore un Etat, un élevage de chevaux réputé dans tout l'Ouest et un tennis aux normes de Forest Hill. Mc Guane est riche, talentueux et célèbre. Le genre de type qui, quoiqu'il fasse, traîne le succès dans son sillage. Après un flamboyuant passage dans le Key-West tumultueux des années 60-70, il arrête l'alcool et la drogue, s'achète un ranch, fait des affaires, remporte plusieurs grands championnats de rodéo, et devient riche sans jamais cesser d'écrire.
OEUVRES de Thomas McGuane
The
Sporting Club |
Le club de
Chasse (C.Bourgois,1992) |
The
Bushwhacked piano |
Embuscade pour un piano (C.Bourgois,1990) |
Ninety-two
in the shade |
33° à l'ombre (Denoël,1978) |
Panama |
Panama (C.Bourgois,1992) |
Nobody's
angel |
L'ange de
personne (Bourgois,1995) |
Something
to be desired |
La source
chaude (Bourgois,1994) |
To
skin a cat |
Comment plumer un pigeon (Bourgois,1990) |
Keep the change |
|
An
outside chance ...vous
laccompagnerez dans la foule des grands rodéos, dans les corrals et sur les pistes
de motocross. Vous partirez aussi en excursion avec son pote Jim Harrison en plein mois de
novembre, apprendrez comment faire dégeler vos chaussettes près du poêle et, point
capital, quoi faire avec une corde et un buf : "Le maniement du lasso est-il la
préoccupation première de lhumanité ? Ma réponse sera sans ambiguïtés : le
lasso nous en apprend beaucoup sur les chevaux, le bétail et léternité". |
Outsider
(Bourgois, 1996) |
Nothing but blue skies |
Rien que du
ciel bleu (Bourgois,1994) |
Barrel
Fever Stories and Essays |
|
Some Horses (à paraître en avril 2002 en
France |
|
The
Longest Silence : A life in fishing |
j'ai passé la journée sur mon ranch de Mc Leod, dans le Montana, avec ma femme Laurie et ma fille Annie. Le matin, j'ai travaillé à un roman que je ne comprends toujours pas ; ensemble, nous nous dirigeons vers une forme imaginaire qui appartient à l'avenir. Avant le départ d'Annie pour l'école, nous avons évoqué ses chances de succès dans une course de relais de 200 mètres à laquelle elle participerait l'après midi. En fin de matinée, des camions sont arrivés avec 193 génisses d'un an qui avaient passé l'hiver sur un pré de Park City, dans le Montana. Nous les avons installées dans nos corrals et séparées en trois groupes, avant de les répartir dans diverses pâtures avec les taureaux qui vont les féconder. Ce sont des bêtes Angus. Nous avons sellé nos chevaux pour rester avec les génisses et nous assurer qu'elles se calmaient et commençaient de manger. Je suis ensuite allé à Big Timber acheter une tonne de sel granulé et iodé, que j'ai rapporté au ranch et réparti parmi les bêtes dans des bassines en plastique. C'était une journée nuageuse, avec un brouillard bas qui stagnait sur le haut plateau couvert de sauge.
Après le déjeuner, j'ai lu Le chemin de fer céleste de Nathaniel Hawthorne et j'ai vainement essayé de me remettre au travail sur mon livre. J'ai aussi écrit quelques mots sur le peintre américain Charles Burthfield pour approfondir la connaissance que j'ai de lui. J'ai ensuite appelé mon fils et discuté de ses convictions sur les beautés respectives des couteaux et des motos. Puis, j'ai travaillé dans mon jardin. J'ai retiré les vieux tuteurs du carré de framboises, arraché les nouvelles pousses de mauvaise herbe en déterrant jusqu'au bout les longues racines blanches et fibreuses. J'ai recloué la clôture abattue par les chevreuils pendant l'hiver et j'ai réparé le manche de ma bêche avec du ruban adhésif. De mon jardin, j'apercevais une longue route de terre qui traversait les collines, et partait je ne sais où. Des antilopes paissaient sur ces collines. J'ai imaginé que Hawthorne arrivait vers moi en redingote noire, sur cette route, traversant le temps. Il tenait un miroir avec lequel il envoyait des signaux et pouvait s'admirer.
Au coucher du soleil, une lumière rouge sang est tombée sur les monts Absarokas. Assis sur ma véranda, j'ai senti le froid monter du fond de la rivière. Dans la direction où je m'étais imaginé Hawthorne. J'entendis le hurlement d'un coyote ; puis le silence, tandis que les étoiles apparaissaient au dessus de ma tête. J'écoutais la rivière quand les lumières se sont allumées dans la maison.
Publié dans "LES 30 ANS DU NOUVEL OBSERVATEUR"
Lire
"Thomas Mc Guane : Figures de l'individu"
article de Jean-Christophe Millois
dans la Revue PRETEXTE
De Serge
Blumenfeld, Les Inrockuptibles
De la tête brûlée abonnée des paradis artificiels sous le soleil de Key West au gentleman retiré dans le Montana, on a connu plusieurs Thomas Mc Guane. Au delà de ces chromos trop parfaites pour être honnêtes, il y a aussi un écrivain amateur de rodéo. Ses livres ruminent des questions mélancoliques sur une civilisation dont les gens deviennent tristes sans savoir pourquoi, entre l'atterrissage post-sixties et l'inexorable déclin de l'Ouest Américain.
D'André Clavel, l'Express
Tous ses romans orchestrent les mêmes naufrages, et pourtant l'horizon n'est jamais tout à fait noir. Dans 33° à l'ombre, un ex-junkie patibulaire s'embarque, au large de la Floride, à bord d'un rafiot qui lui donne soudain le goût de l'absolu. Dans Panama, une pop star déjantée va se refaire une santé du côté de Key West, sur les traces de Hemingway. Dans Embuscade pour un piano, un cinglé écume le pays à moto, de la Californie au Michigan, à la recherche d'un paradis perdu. Dans Rien que du ciel bleu, un ancien hippie se reconvertit dans l'élevage du bétail, avant de déchanter ; il brassera pas mal d'illusions - et de dollars - mais sa "vieille âme délabrée" finira par sombrer. Reste la magie des paysages, ces prairies idylliques, ces rochers cuivrés et ces rivières fracassantes où la pêche au saumon se pratique encore comme une chasse spirituelle.
Ils continuèrent ainsi jusqu'à un grand ovale marqué par des rochers sur le sol plat. Je suis sûr à quatre-vingt-dix-neuf pour cent que c'est ici que les Indiens attrapaient leurs oiseaux. Comme tant d'autres, Lucien avait toujours ressenti les grands échos de l'histoire achevée des Indiens -(des Indiens à pied, avec un chien et un cheval. Comment un pays pouvait-il produire des orateurs pendant des milliers d'années, puis une centaine d'années de ouais et de p'têt'ben ? Ca n'avait pas de sens. Ca n'avait pas de sens qu'on pleure les jours glorieux du vieux Sud tandis que tout cela avait disparu sans qu'on en parle. Peut-être que les ouais et les p'têt-ben représentaient une vraie commotion, un pays à jamais étrange, étrange comme il l'était aujourd'hui à un homme et à un garçon avec un oiseau en cage et un camouflage de fortune.
La pêche à la truite dans les eaux du roman
Mc Guane, le farfadet des cours deau est une truite cocaïnée, insaisissable, revenue de tout, mais pas sage pour autant. Cest lanti-Tao, un conflit de deux consciences de lAmérique, celle des origines, pionnière et enchantée comme une autre Brocéliande, et lAmérique schizophrène de Billy Milligan, lhomme aux vingt-quatre personnalités...
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