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LA ROUTE DU RETOUR
titre original : The Road Home
traduit par Brice Matthieussent
publié en France par Christian Bourgois en 1998
On oublie volontiers qu'en
moyenne nous mourons sept fois plus lentement que nos chiens. La simplicité de cette loi
proportionnelle m'a frappé très tôt, car j'ai grandi dans une région si reculée que
durant mon enfance les chiens ont été mes meilleurs amis.
(extrait de LA ROUTE DU RETOUR)
RESUME
Comme
Dalva, LA ROUTE DU RETOUR est un roman qui s'articule en plusieurs parties : les journaux
intimes des protagonistes. La première partie est le journal du grand-père de Dalva, le
vieux Northridge : la route du retour qu'il est sur le point d'emprunter est celle qui
l'amène vers la mort, comme le dit Rachel, il s'agit pour le mourant d'emprunter la Route
Fantôme : le Wanagi Canku. Northridge a tenu ce journal en 1952, alors que Dalva a 11
ans. Elle vient de lui poser une des questions directes et sans tabou dont elle est la
spécialiste : elle voudrait connaitre les circonstances de la mort de ses arrières
grand-parents, à deux jours d'intervalle.
La
deuxième partie du roman est le journal tenu par Nelse, âgé d'une trentaine d'années,
alors qu'il emprunte une route du retour qui le ramène à ses origines, au lieu même où
il fut conçu par Duane et Dalva, et à sa vraie mère, Dalva.
La
troisième partie commence par le journal tenu par Naomi. Alors qu'elle a 65 ans, elle
vient de rencontrer Nelse et de l'identifier comme étant son petit fils. Puis, c'est
Paul, l'oncle de Dalva, qui prend la parole après Naomi.
Enfin,
pour terminer ce sera le tour de Dalva, qui tient ici son journal deux ans après avoir
retrouvé son fils Nelse, pour raconter l'apprivoisement mutuel qui leur a permis de
devenir un couple mère-fils harmonieux et complice.
C.J.
4e de couverture
Ce roman, sans doute
le plus ambitieux et le plus impressionnant de Jim Harrison, reprend certains thèmes et
la plupart des personnages rencontrés dans Dalva. Composé de trois parties, qui sont
autant de journaux intimes, c'est une grande fiction américaine, où se mêlent les
genres épiques , lyrique et dramatique pour former une vaste fresque à la fois poétique
et réaliste, truculente et nostalgique, brassant l'histoire de l'Amérique, depuis les
guerres indiennes et les massacres qu'on sait jusqu'à nos jours. Jamais sans doute Jim
Harrison n'a aussi bien évoqué ce mélange de profane absolu et de visions sacrées qui
constitue selon lui l'existence. Jamais il n'a créé avec autant de verve et de
sensibilité, de puissance et de finesse, des personnages plus grands que nature.
Pourquoi
une suite à Dalva ?
Question
posée en 1998 à Jim Harrison par Brice Matthieussent
Pourquoi, dans La Route du retour, avez-vous repris
la plupart des personnages et des lieux de "Dalva" ?
Presque
dix ans après avoir écrit Dalva, je reviens à la famille de ce personnage parce que
j'avais énormément de matériel que je n'avais pas utilisé pour écrire ce premier
roman. Il s'agit d'une sorte de "banque d'images" qui était beaucoup trop riche
pour que je n'en fasse pas usage. Par ailleurs, on ne trouve pas un sujet, c'estlui qui
vous trouve. Comme notre vie onirique tellement incompréhensible, une large part des
processus artistiques apparents trouve son origine dans le subconscient.
Extrait
Au
petit jour et avant l'arrivée de Lundquist, je suis allé à la grange et je me suis
assis parmi les chevaux pour retrouver un sentiment plus évident de ce que j'espérais
être la réalité. Je les ai tous brossés à fond et avec vigueur et j'ai été
momentanément ravi de les rendre heureux.
Hélas pour mon repos, les nuits suivantes furent remplies de rêves indiens,
lakotas pour la plupart, mais aussi des rêves poncas situés au confluent de la Niobrara
et du Missouri, Indiens omahas ramenant Adelle à la vie, Hopis dansant avec des serpents
dans la bouche, Chippewas engoncés dans leurs fourrures au milieu de l'hiver, Tarahumaras
jeûnant dans la montagne et essayant de reconstituer le corps de Davis. Je me mis à
boire sans rien manger, ce qui ne m'aida guère. Aujourd'hui, je me suis demandé comment
l'esprit pouvait bien créer en rêve des êtres que les yeux n'avaient jamais vus. Toute
cette expérience me rendait affreusement irritable et sans doute encore plus déprimé.
REVUE DE PRESSE
LIRE n° 268 de septembre 1998 Catherine Argand
La
route du retour est un pur chef d'uvre. Ambitieux, foudroyant. L'histoire en
trois livres et cinq générations d'une famille pétrie d'indianisme, une fresque
effrénée et tendre de l'Amérique qui tue, rêve, se méprend, et devient moderne et
cupide, ce qui s'apparente sous la plume d'Harrison le panthéïste à un jeu de massacre.
Jamais Harrison n'avait atteint une telle amplitude, variant de main de maître tous les
tons et les registres : lyrique, épique, poétique, intimiste... Allant du plus ténu -
le vol d'un oiseau - au plus cocasse - par exemple les démêlés de l'américain type
avec l'autorité - jusqu'au plus abyssal - le sentiment d'abandon, véritable terre noire
et fertile de ce roman où chaque être quête ses racines. Reprenant les thèmes et la
plupart des personnages d'un de ses plus beaux récits, Dalva, Jim Harrison les
redéploie comme ces ailes dont longtemps on a rêvé de prendre toute l'envergure. Ce
roman-là est pétri d'humeurs, ivre d'amour, hanté par la mort, voluptueux sous le ciel.
MAGAZINE LITTERAIRE
n°370 de novembre 1998 Jean-Maurice de Montremy
... L'art poétique
-suggéré presque en passant -de Jim Harrison, romancier taillé pour le grand format,
mais sans bavardage ni grandiloquence : "écouter la nature de la nature"... De
même faut il noter cette précision, nullement incidente : il entend décrire tout ce qui
se passe sans intervention humaine immédiate. Harrison connaît en effet trop bien la
nature pour croire à l'illusion du naturel absolu. La nature, c'est l'homme au second
degré, ne serait-ce que par le regard qu'il pose sur elle, la mémoire qui s'y loge (on
hérite toujours son regard de quelqu'un) et les traces du temps, fussent-elles
cicatrisées, imperceptibles.
L'EVENEMENT DU JEUDI
L'auteur va son
chemin. Un chemin qui le mène comme à rebours des conventions et des idées communes. Il
sait être un écrivain brut sans être brutal. Un écrivain de compassion, mais dénué
de complaisance. Bien sûr, cela est un peu rugueux, amer parfois. On retiendra cependant
la fulgurance et son sens de l'absolu qui aspire à la part sacrée de l'existence. Avec
LA ROUTE DU RETOUR, Harrison compose une sorte de suite de son roman DALVA. C'est surtout,
pour le lecteur, l'occasion de remonter le cours de l'histoire de l'Amérique, des guerres
indiennes, avec leur lot de massacres, qu'il évoque avec la lucidité grinçante d'un
vent de neige. Un coup de blizzard contre le ventre mou de la vacuité.
LE
MONDE - Jean-Luc Doin
Nul
doute que dans l'esprit de Jim Harrison, Northridge, ce moribond sur "la route du
retour" soit frère spirituel du grand Edward Curtis... Les images d'Epinal qui
collent à la peau de Jim Harrison, sa caricature en Gargantua yankee, cachent l'essentiel
: l'écrivain a repris le flambeau de Natty Bumpo, le trappeur intègre créé par James
Fenimore Copper. Inlassablement, en Davy Crockett contemporain, il exalte l'Ouest
idyllique, la paradis perdu, la Prairie souillée par ses conquérants. Ses romans, odes
à l'Amérique des grands horizons et des mythes, témoignent de son empathie poétique
pour ce pays où le bon sauvage fut décimé par la horde barbare des pionniers
matérialistes. |