Enrouteversl'ouest























EN ROUTE VERS L'OUEST
Titre original : Westward Ho

Couverture Edition C. Bourgois
Au revoir, chéri. Reviens me voir bientôt, dit-elle.
Vraiment génial que tout ça finisse en beauté !

traduction : Brice Matthieussent
Edité en mai 2000 aux Editions Christian Bourgois

 

 

"En route vers l'Ouest"
(ou comment le héros va récupérer sa peau d'ours bien aimée en plein Beverley Hills)

"il improvisait sa vie depuis sept jours, il venait de traverser les deux tiers du pays,
il était temps pour lui de remettre un peu d'ordre dans sa vie.
Il ignorait, bien sûr que, lorsque le désespoir du déracinement vous heurte de plein fouet,
survient aussi le désir violent d'améliorer son sort."

On pourrait imaginer, à la lecture des premières lignes décrivant la présence d'un nuage dans le ciel, le destin funeste et inévitable d'une vieille truite de lac, d'un corbeau, d'un faucon à queue rouge, ou d'une grive, qu'on se retrouve dans l'univers nostalgique de Dalva et de La Route du Retour. Par la suite, au fil des pages, l'atmosphère truculente et ironique de la nouvelle EN ROUTE VERS L'OUEST nous évoquera plutôt SORCIER, ou bien sûr, les deux précédentes aventures de CHIEN BRUN. On reprend ici les aventures de Chien Brun où on les avait laissées à la fin de la nouvelle "L'homme aux deux cent grammes", (voir le recueil JULIP). Les dernières aventures de Chien Brun se terminaient alors par ces mots : "Chien Brun se disait que Shelley était vraiment adorable sous la pluie... . Il doutait qu'elle lui pardonne un jour, mais il savait qu'elle ne l'oublierait pas. Ils partirent vers l'Ouest..."

Voilà Chien Brun arrivé dans l'Ouest, dans la ville de Los Angeles, à la fois exotique, bruyante, et désespérante, qui suscite chez lui la même antipathie et le même agacement que chez Jim Harrison  : "à Los Angeles, il est hors de question de s'y retrouver pour le non-initié, même si au bout d'un certain nombre de visites, quelques bâtiments, restaurants ou rues acquièrent le statut de repères rassurants... Quel pouvoir le vagabond solitaire pouvait-il bien convoquer afin de s'adapter à cette vaste cité tourmentée qui s'étendait autour de lui, avec ses dix mille couches superposées de sophistication et de richesse, sa vénalité et sa haine ..."

Il va y rencontrer un drôle de gros bonhomme, Bob Duluth (Duluth est une ville au bord du Lac Supérieur, omniprésente dans les romans de Jim Harrison). Bob est écrivain de son état, ronfleur et gros mangeur, employé et payé grassement (du moins aux yeux de Chien Brun) pour écrire le scénario d'un film pour un studio hollywoodien. Chien Brun lui sert de chauffeur et assiste, incrédule, aux repas pantagruéliques de Bob. Le credo de Bob : "le fait de manger, dans sa plus noble acception, n'a rien à voir avec l'appétit."

Dans son livre "Jim Harrison de A à W", Brice Matthieussent rapporte que dans une lettre du 13 octobre 1994, suite au gâchis du film Wolf, Jim Harrison dit qu'il a l'intention d'écrire une fiction longue pour se venger d'Hollywood : une troisième apparition de son personnage Chien Brun, intitulée Westward Ho ! -Cap à l'Ouest ! - où Chien Brun se fait voler sa peau d'ours dans le Michigan et part pour Hollywood afin de la récupérer. Brice Matthieussent, toujours, raconte que Jim Harrison s'est choisi un nom d'emprunt pour voyager incognito : Bob Duluth ! L'équivalent français serait quelquechose comme Jean Vierzon. Ce nom de Bob Duluth est écrit sur un carré de papier collé sur son réfrigérateur.

Notre homme du Michigan, à Saint Malo, s'est senti un peu "lourd" après trois jours d'agapes. Il passa donc la soirée dans sa chambre où il suivit les conseils de son alter égo Chien Brun, en avalant trois litres d'eau...

 

"La bête que Dieu oublia d'inventer"
(ou comment un vilain coup sur la tête peut changer toute votre vision du monde)
"Est-il un chien malade qui désire se terrer,
un mammifère qui trouve sa sécurité dans le secret,
un jeune homme blessé qui tente vaillamment de mettre un peu d'ordre dans toute sa confusion ?"

Qu'est-ce que peut bien vous apporter un handicap ? Pour Jim Harrison qui a un oeil de verre, et paraît-il une très mauvaise vue de l'œil vaillant, cet handicap revient à avoir une vision du monde un peu spéciale qui l'incite à inventer des histoires. Dans la série des héros au cerveau endommagé, on a connu et aimé Robert Strang (héros du roman Faux Soleil) dont le cerveau épileptique a en plus souffert de l'ingestion de plantes nocives. Jim Harrison dit de Robert Strang qu'il souffre d'une maladie divine, magique, qui change sa vision du monde, qui l'élargit, qui la transfigure.

Le héros Joseph Lacort, dit Joe, avait 35 ans. C'était un homme riche et chanceux. Mais, ivre mort, il a violemment percuté un hêtre, et le choc a eu pour conséquence une lésion cérébrale interne. Cette lésion l'a transformé en un être chez qui l'animalité prend le pas sur l'humanité. Avec sa force considérable, et ses perceptions décuplées, Joe a plus de loup que d'homme en lui. Son nouveau but, avec un carnet de notes à la main, est de "dresser de nouvelles cartes du monde, ou plutôt du seul monde que ses sens toléraient". Un homme vieillissant, Norman Arnz, chez qui justement la force "virile" fait défaut - il s'épuise très vite quand il faut pister Joe à travers bois - va nous raconter toute l'histoire de Joe, puisque ce dernier a décidé de disparaître, comme Robert Strang, dans les flots.

 

"J'ai oublié d'aller en Espagne"
(Où des retrouvailles avec une ancienne maîtresse font s'écrouler vos dernières illusions.)

Donald, le mari de Claire, dans La femme aux Lucioles, évoque un peu le héros de cette nouvelle. Donald, jeune, était idéaliste, un peu poète, il incarnait la rébellion de la jeune fille, il était très politisé, il portait des chemises de bûcheron et désirait devenir écrivain ou dirigeant ouvrier...Au lieu de cela, il est devenu "un prédateur discret, doublé d'un habituel manipulateur", un homme répugnant qui écoute dans sa voiture des cassettes sur les cours de la bourse, à longueur de voyage : "Donald était seulement heureux de gagner de l'argent lorsque d'autres en perdaient... jeu qui l'obsédait comme une activité essentielle de l'existence."

Quant au héros de "J'ai oublié d'aller en Espagne", il est devenu très riche en écrivant des "biocompactes" qui sont des biographies indiscrètes en 100 pages des "grands de ce monde", petits livres vendus 7 dollars dans tous les "relais H".

L'entreprise biographique est de nature essentiellement fallacieuse. De la même façon, succès et fortune de notre héros ont falsifié ses rapports avec l'existence : tout doit être enjolivé. Il vit dans le mensonge, et dit lui-même "j'ai encore menti, encore un mensonge ! existe-t-il une chaîne de mensonges qui nous encercle et nous ligote ? On sait mieux qui on est au réveil qu'à l'heure du coucher, quand l'aptitude à l'enjolivement est à son apogée". Quand devient cruel et cuisant le désenchantement qui lui rappelle qu'autrefois il avait la prétention d'être un véritable écrivain, son corps se couvre d'eczéma... Un jour, après avoir rageusement saccagé une bouteille de très bon vin, il va décider de tourner le dos à ses biocompactes à succès, et de "changer de vie" en visitant l'Europe, et surtout l'Espagne, rêve auquel il avait renoncé.

C.J.

REVUE DE PRESSE

Que pense la presse américaine d'En route vers l'Ouest ?
A lire dans un article du New-York Times : Sauternes et Spaghetti

 

Le Journal Du Dimanche
du 7 mai 2000, extrait de l'article de Christian Sauvage

Jim Harrison se paie le luxe, deux ans après LA ROUTE DU RETOUR, de faire revenir un de ses doubles, son personnage de Chien Brun (C.B.) à Los Angeles, pour se moquer une fois encore de Hollywood dans la première des trois novelas, qui donne le titre de son nouveau livre, En route vers l'Ouest. Brown Dog, C.B., ne sait pas s'il est indien, raconte Jim Harrison, air de trappeur dans l'hôtel feutré du 7e arrondissement, à Paris, où il a ses habitudes. C.B., comme beaucoup d'habitants du Michigan, est sans doute sang mêlé. C.B., donc, zone dans L.A. à la recherche de la peau d'ours que lui a volée son pote Lone Marten. L'occasion de quelques rencontres pittoresques... Les Français me lisent  parce que dans mes fictions il y a la vie de l'action et la vie de l'esprit. Quand on m'a dit ça, j'ai été surpris, mais c'est vrai que dans la littérature aujourd'hui il y a l'un ou l'autre, jamais les deux. La deuxième novela, La Bête que Dieu oublia d'inventer, en est une parfaite illustration, l'histoire de cet homme qui a perdu la mémoire et qui vit comme un animal dans les bois. " Joe meurt parce qu'il est trop sauvage, vous voyez ce que je veux dire ?" Rencontrer Jim Harrison, c'est comme refaire le plein d'énergie...

Les Inrockuptibles, fin avril 2000
extrait de l'article de Bruno Juffin

D'entrée, on pressent l'ironie funèbre du titre : En route vers l'Ouest arrive un bon siècle trop tard pour recueillir les derniers souffles d'un Ouest mythique. Dans les trois longues nouvelles ici réunies, ne subsistent de l'Ouest sauvage que de dérisoires vestiges -une peau d'ours mort (nouvelle En route vers l'Ouest), quelques pointes de flèches jadis magiques (j'ai oublié d'aller en Espagne) et des forêts tombées sous la coupe tatillonne des fonctionnaires de l'environnement (La bête que Dieu oublia d'inventer). Les fidèles de Jim Harrison revisiteront des lieux familiers : les bois noirs du Michigan où, enfant, Harrison pêcha la truite sur les traces du Nick Adams d'Hemingway ; New York, capitale de la comédie littéraire ; Hollywood, où les soutiers de l'usine à décérébrer qu'est devenue le cinéma mainstream. Chacun de ces cadres appelle un ton différent....

Les vaguelettes nostalgiques rident encore la surface de la conscience américaine, longtemps après que Wall Street a envoyé par le fond le mythe du coureur des bois.

L'Express du 11 mai 2000
extrait de l'article d'André Clavel


Jim Harrison adore mettre en scène des personnages un peu fêlés, des tricksters qui vont squatter les bois du Michigan pour fuir le tintamarre de l'Amérique urbaine.Parmi eux, un drôle de loustic nommé chien brun, dont l'auteur des Légendes d'automne a fait son héros fétiche... A ces confessions de son alter ego, Big Jim a ajouté deux autres novellas (La bête que Dieu oublia d'inventer et J'ai oublié d'aller en Espagne), où il enfonce le clou de ses obsessions : se dépouiller, larguer les amarres. Rendez-vous du côté du lac Supérieur, puis sur les ramblas de Barcelone en compagnie de personnages en rupture de ban, des vagabonds qui de l'ironie et du détachement, ont fait un art de vivre. Leur fréquentation est hautement recommandée.

Le Figaro Magazine du 28 avril 2000
extrait de l'article d'Olivier Frébourg

Cette armoire de style Gargantua est un écrivain aérien. Dans son dernier livre, qui réunit trois longues nouvelles, trois novelas, un de ses personnages, Joe, s'éloigne, à la suite d'un accident, du monde des hommes pour se fondre dans la nature et poursuivre une "bête que Dieu oublia d'inventer". Livre après livre, Harrison semble de plus en plus étranger à son propre pays, à ses lois et à ses succès économiques. La nouvelle "en route vers l'Ouest", qui ouvre son recueil, met en scène Chien Brun, son double, personnage récurrent, inadapté profond, qui part à la découverte de Los Angeles et de Hollywood où Harrison a travaillé comme scénariste. Il exécute les fascistes politiquement corrects de Californie... Contre les attaques morales -c.à.d. dépressives- il oppose le travail, le Michigan, la gastronomie, et la marche. Il se fout de la civilisation technologique et normative.

 

Extraite de Salon.com, la critique de Maria Russo

The Beast God Forgot to Invent by Jim Harrison
Jim Harrison always puts me in a good mood. All of his books have at least one flinty, improbably touching male character who cracks me up and wins me over. He's usually a combination of opposites: He spends weeks alone in a godforsaken cabin somewhere but he's also literate and civilized and an epicure. He's something of a loner by nature but can never quite contain his lusty enthusiasm for women, which usually gets him into hilarious trouble. I picked up Harrison's latest book, "The Beast God Forgot to Invent," a collection of three novellas, and there this guy was, narrating the final one, "I Forgot to Go to Spain." This time he's a 55-year-old author of quickie biographies who's made a fortune and finds himself full of energetic regrets and unanswered questions about the choices he's made. In a full-throttle voice prone to witty asides and entertaining digressions, he tells about his impulsive decision to scrap his lucrative business and track down a woman he was once briefly married to, and then to detour to Spain, which he's never visited. "To be frank I've been fibbing a bit for reasons of clarity," he says halfway through his story, and I knew I was hooked.

Maria Russo

Lire la critique entière de "THE BEAST GOD FORGOT TO INVENT
sur le site "SALON.COM"
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