OFF
TO THE SIDE parait aux Etats Unis
à l'automne 2002
Parmi les refrains récurrents
qui prêtent ce style puissant et poignant aux Mémoires de lécrivain Jim Harrison,
Off to the side, il y a cette simple phrase : "Cela naurait pu être
autrement".
Plus une question quune affirmation,
cette phrase est parfois teintée de regrets, et parfois de stupéfaction.
" Honnêtement,
jimaginais que cela aurait été plus amusant que ça, décrire mes
mémoires ", nous dit J. Harrison depuis son ranch dans le Montana, où il
sest récemment installé, après avoir passé une soixantaine dannées dans
le Nord Michigan.
Un jour, jai décrit dans un
poème ce moment dans votre existence où vous auriez le courage dadmettre votre
vie. Il y a eu des moments durs, comme vous le comprendrez probablement en lisant mes
mémoires, spécialement dans les premières années de mon mariage. A ces moments là, je
navais tout simplement pas la moindre idée de ce que je faisais, ni de la façon
dont je pouvais arriver à me supporter.
La situation financière de Jim Harrison a
changé du tout au tout avec la publication en 1978 de son superbe recueil :
" Légendes dautomne ". David Lean a voulu adapter la nouvelle
éponyme, et John Huston voulait aussi adapter lune des autres nouvelles du recueil.
Harrison, qui, jusque là, avait du mal à
subvenir aux besoins de sa femme, Linda, et leurs deux filles, gagna alors bien plus
dun million de dollars de revenus. Il nétait absolument pas préparé à
cela.
" Ma vie prit brusquement la forme d' une sorte de tourbillon hystérique, que
jai tenté de maîtriser par la consommation dalcool et de
cocaïne " , raconte J. Harrison.
Harrison pense que cest l'attachement
à sa vocation de poète et écrivain qui la préservé des dérives. Quand on lui
pose la question, il cite son ami de longue date, lécrivain Thomas Mac Guane qui
lui a dit : " Tu ne peux abandonner ou contrôler quoi que ce soit qui
nait pas encore croisé ton chemin. Mais, quand tu las enfin rencontré, soit
tu peux le contrôler, soit tu peux léliminer. Tu nas pas réellement la
liberté daller de lavant parce que ça constitue lessence même de ta
vie. "
Lintensité du dévouement de
Harrison dans ce qui constitue lessence de sa vie l écriture- est
évidente à la fois dans ses travaux et dans son discours. " cest une
vocation religieuse, dans un sens, dit-il. Ce cheminement a commencé alors que
jétais sur le toit de notre maison, en train de regarder un marécage, alors que
javais 19 ans. Jécrivais déjà depuis plusieurs années, javais
commencé vers 15 ans. Mais ce jour-là, sur le toit, jai dit mes vux et
reconnu ma vocation. "
Pour Harrison, une partie de ce que sa
vocation lui demande, exige de lui davoir une intense curiosité à légard de
la vie des gens, intime et sociale à la fois. " il y a deux ans, jai
demandé à un critique français pourquoi mes livres se vendaient si bien en
France. Il ma répondu que dans mes romans, les personnages agissent et
pensent en même temps. Jen étais estomaqué." dit-il.
Et il ajoute " jai lu
beaucoup de Mémoires il y a deux ans, pour comprendre comment les gens sy
prenaient. Beaucoup dentre eux sont plein de jérémiades. Ils font semblant que
leur vie nait jamais eu aucun aspect philosophique, mental, ou spirituel, ils
décrivent juste ce qui leur est arrivé. Je ne pourrais pas faire ça. "
Heureusement pour nous. Ce qui émerge de
" Off to the side ", est un portrait à peu près aussi complet du Jim
Harrison intérieur et extérieur quon peut espérer. Il écrit sur linfluence
durable de ses parents et grands-parents et de leurs valeurs dobstination
scandinaves. "En dépit de plusieurs années de vie difficile, mon calvinisme
essentiel me rendait impensable darriver en retard au travail, de rater un avion, de
faillir à terminer une tâche quon m'avait confiée, de ne pas rembourser une
dette, ou darriver en retard à un rendez-vous".
Il décrit la perte de la vision de son
il gauche à lâge de sept ans quand une voisine lui enfonça un tesson de
bouteille dans le visage. Il écrit sur la libération quil ressentit à voler de
ses propres ailes, pendant lété, entre ses années de fin de collège et le
lycée ; de la confusion dune carrière universitaire écourtée, de la mort de
son père et de sur dans un accident de voiture, et de son erreur à avoir regardé
les photos des corps faites par la police. " Quand mon père et ma sur
sont morts, je me suis dit que si ceux que vous aimez pouvaient mourir comme ça, à quoi
bon dissimuler quoi que ce soit ?" dit-il.
Avec perspicacité et humour, Harrison
catalogue ses sept obsessions : lalcool, le strip-tease, la chasse, la pêche
(et les chiens), la religion, la France, la route, la nature, et les Indiens.
Il décrit ses expériences
décriture pour le cinéma, une profession exercée autrefois, qui lui permettait
décrire ses romans et sa poésie, et qui a conduit à des amitiés avec Jimmy
Buffet, Harrison Ford et Jack Nicholson, entre autres.
Harrison, dit Jack Nicholson,
" fut un bon professeur sur la façon dappréhender la réalité. Il
ny a tout simplement aucun autre acteur ou actrice que je connaisse qui
lappréhende mieux et qui la maîtrise. Il ne passerait simplement jamais à la
télévision. Il la considérerait comme lennemi. Elle vous vide complètement. La
triste chose que lon voit encore et encore est comment ces gens qui deviennent
soudainement " célèbres " deviennent aussi vite usés et
abandonnés. "
A ce moment de sa vie,
Harrison na plus peur dêtre utilisé lui même. " Je me suis
retiré si loin de ce genre de vie " dit il. " Et "
ajoute-t-il se référent à un roman sur lequel il a commencé de
travailler, "jai quelque chose à écrire. "
Harrison dit quil a décidé
dintituler ses mémoires Off to the side " parce que cest une
position confortable pour un écrivain ". Dans toutes ses mémoires, il
mentionne son désir de toujours se cacher, au moins métaphoriquement, dans les fourrés,
dêtre là où il peut regarder et voir sans être vu, il note aussi que
" rien nest moins intéressant
que lécrivain dans une période
productive. "
Mais dans la conversation, Harrison
demande, "Avez vous jamais lu Rilke? Il dit que le cur ne peut apprendre
à battre quuniquement dans la course du rat. Donc jimagine que je trouve
l'équilibre entre ces antipodes : me cacher dans ma cabane ou
bien être quelque part New York, Paris ou Hollywood. "
Il rit et ajoute, "Un ami
écrivain qui a lu mes mémoires ma demandé Comment arrives tu à faire tout
ça ? Et je lui ait dit que cétait par inadvertance. Je suis simplement
conduit par mon menton." |