Entretien Jean-Claude Zilberstein 10.18


 

 














 

Quelques questions posées à Jim Harrison
par Jean-Claude Zylberstein, directeur de collection
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aux Editions 10.18

à l'occasion, en Juillet 2003, de l'édition en poche des recueils
de poèmes "Lettres à Essenine" et "Lointains et Ghâzals"

 

Jim, depuis la publication de Légendes d'automne en 10/18, puis de Dalva chez Christian Bourgois, tu es devenu l'un des écrivains américains préférés du public français. Cela t'a-t-il surpris ?
JH - Le succès est une surprise parce qu'un écrivain littéraire met beaucoup de temps à se créer un public, et il a donc l'habitude de l'échec. Il porte en lui ce sens de l'échec. J'ai étudié la littérature contemporaine à l'université, et il n'existe pas d'explication facile de ce qui fait qu'un auteur rencontre du succès dans un autre pays. Même aux Etats-Unis, qui sont en fait "plusieurs" pays, j'ai beaucoup de succès dans le Sud, le Midwest, le Nord-Ouest, mais nettement moins à New York qui s'intéresse surtout à ses propres affaires.


En fait, ton histoire d'amour avec la France remonte à loin, avant même la parution de Légendes d'Automne. Il y a à cela plusieurs raisons comme tu l'indiques dans ton autobiographie encore inédite. Pourrais-tu les développer un peu ? Evoquer les écrivains français qui t'ont interessé.
JH - A quatorze ans, j'ai eu un professeur qui j'aimais beaucoup, qui était francophile et j'ai donc commencé très tôt à lire Stendhal, Hugo, Balzac, Flaubert. Ces lectures m'ont mené ensuite aux poètes, Baudelaire, Rimbaud, Apollinaire, et même certains auteurs mineurs comme Corbière, Breton, Reverdy, etc... Je n'ai jamais cessé de les lire, si bien que, lors de ma première visite en France, j'étais "dans l'ambiance". Nous étions tout un groupe à la fac qui étions fascinés par Nathalie Sarraute et Alain Robbe-Grillet. Naturellement, j'ai aussi été un grand lecteur d'Alain-Fournier qui m'a aidé à me convaincre que la réalité est mystérieuse. Je suis allé visiter son pays l'année dernière avec deux amis français.

 

Sais-tu l'actualité politique en France ? Si oui, quelles sont tes opinions sur nos moeurs contemporaines, la qualité de la vie, etc ?...
JH - Je ne m'intéresse pas beaucoup à l'actualité politique étant donné la colère que m'inspire le triste bordel actuel. Dans l'état des choses ici, Chirac serait considéré comme un gauchiste. Naturellement, j'ai toujours été très à gauche, tout en modérant ma position après être allé en Russie en 1972. Nous sommes très doués technologiquement, mais la France est très en avance sur nous, pour ce qui est de la façon de vivre sa vie, et c'est capital !

Liberté de la presse, liberté d'expression, on a fait beaucoup de bruit en France autour des plaintes en justice contre des romans à scandale (où il est question de pédophilie, d'homosexualité, et d'autres déviations sexuelles) et même (dans l'affaire Houellebecq) contre le rejet de l'islamisme.
JH - Naturellement, je crois à l'absolue liberté de la presse, quoique bon nombre d'écrivains et d'éditeurs aient des motivations bassement vénales.

Quelques mots sur ton goût, ton amour, ta pratique de la poésie ? ...
JH - Je continue à écrire de la poésie. L'été dernier a été la période la plus féconde de ma vie de poète. Je suis vraiment content de voir mes poèmes publiés dans le pays qui m'a le plus inspiré dans ce domaine que tous les autres.