Les reserves Lakota


COMMENT VIT-ON DANS LES RESERVES AUJOURD'HUI ?

LES INDIENS LAKOTA

Cet article est paru en 1995 dans le Magazine "TODAY IN ENGLISH"
Je vous en propose ici ma traduction

Père et fils
photographe : Vincent Bourdon

 

Leurs réserves font partie des endroits les plus pauvres des USA, avec plus de 90 % de chômage. Mais les Indiens Lakotas (c'est le véritable nom des Sioux), ont conservé leur fierté, et sont en train de redécouvrir leur identité tribale. En route pour le Sud-Dakota...

Sur ce site, toujours à propos du sort des Indiens :

Deux romans écrits par de jeunes indiens :
INDIAN BLUES de Sherman Alexie,
DANSEURS D'HERBE, de Susan Power

Deux grands auteurs indiens plus âgés :
N. Scott Momaday,
James Welch

Le témoignage d'un membre de l'AIM, Léonard Peltier,

Les Indiens, un thème récurrent dans l'œuvre de Jim Harrison

Daoulas, été 2000, une grande exposition sur les Peuples Indiens



L'histoire des tribus indiennes continue à fasciner les gens, de partout dans le monde. L'histoire tragique de leur asservissement et de leur presque totale disparition due au Gouvernement des Etats-Unis et à la cupidité des colons européens, cette histoire a été récupérée dans des films et des programmes télévisés innombrables.Les fanas du New Age ont redécouvert la richesse de leur univers culturel et religieux, et le mythe du "noble sauvage" qui vit en harmonie dans la nature persiste encore de nos jours. Cependant, personne ne semble véritablement s'intéresser à ce qu'est la vie quotidienne des indiens, de nos jours. A la télévision américaine comme dans la vie politique, ce sont les grands absents. Leur taux de chômage sont les plus élevés, et leurs réserves sont parmi les plus misérables endroits du territoire américain.

En bref, les Indiens n'ont pas de véritable place dans la société américaine moderne. Il est un peu trompeur de parler de "Culture Indienne" ou de "Religion Indienne". Chacune des nombreuses tribus qui vivait à l'origine en Amérique avait sa propre langue, sa propre religion, et ses propres coutumes. Peut-être que la plus illustre d'entre elles fut la tribu des Sioux, qui suivit les troupeaux de bisons à travers les grandes plaines du nord, dans le Minnesota, le Dakota, le Montana, et le Nebraska. En réalité, le nom de Sioux est un surnom que leur ont donné les indiens Chippewa, leurs voisins, cela signifie "Ennemi" ou "Petit Serpent". Le véritable nom de leur tribu est "Lakota".

Fiers, belliqueux, et indépendants, ils ont cheminé là où ils le souhaitaient, et ne révèrent que Wakan Taka, leur Grand Esprit. Ils ont respecté l'environnement, avec la croyance que la Terre était leur mère, et qu'ils ne devaient pas exagérer en tuant plus de bisons qu'ils en avaient besoin. Les Lakotas furent aussi la seule tribu à infliger une défaite à l'armée américaine, lors d'une bataille. En 1868, leur chef, Red Cloud marcha vers Fort Laramie, dans le Dakota, et put signer un traité de paix avec l'armée américaine vaincue.Le traité promettait qu'ils laissaient les Lakotas en paix, et leur donnaient un territoire qui s'étendait de la rivière Missouri jusqu'aux Montagnes Noires sacrées -Black Hills, ce qui représente une étendue plus grande que l'Etat actuel du Dakota du Sud.

 

UNE REPRESSION CULTURELLE

Mais les colons blancs avaient toujours besoin de plus de terres, et le traité se trouva rompu de nombreuses fois. Dans les années 1880, le gouvernement américain divisa la nation des Sioux dans plusieurs petites réserves, en gardant par la même occasion pour lui-même la plus grande partie des terres du traité. Un programme systématique de "dé-tribalisation" commença. Les enfants furent envoyés dans des écoles-internats chrétiens, qui furent établis dans chaque réserve. Ils y apprirent la l'histoire officielle des indiens d'Amérique, leurs pratiques religieuses furent déclarées sauvage, et l'utilisation des langages sioux fut interdite. "Ils tentaient d'éteindre l'indien qui vivait en eux", dit Irwin Sharpfish, un membre de l'Ecole indienne de St-Francis, sur la réserve de Rosebud. Je pense qu'on peut dire qu'il s'agit d'un génocide culturel.

Cette éducation d'un style missionnaire fut pratiquée jusque dans les années 1960, et elle a presque réussi à éteindre la culture Lakota. Les adultes étaient mis à l'index s'ils parlaient la langue Sioux, se souvient Sharpfish. Ils avaient l'habitude de briser les familles de cette façon-là. Si vous alliez à une cérémonie spirituelle Lakota, alors des Prêtres Jésuites se tenaient à l'entrée et prenaient vos noms. Ensuite, vous ne pouviez plus vous rendre à l'église parce que vous faisiez partie des suppôts de Satan.

Plus de culture sur laquelle s'appuyer, très peu de travail, des terres extrêmement pauvres à cultiver, c'est alors que beaucoup d'indiens Lakotas cherchèrent à noyer leur chagrin dans l'alcool. Depuis les années 1930, un cercle maudit de pauvreté et d'alcoolisme avait réduit l'une des nations de guerriers des plus valeureuses à l'apathie et à la ruine. La boisson est un problème qui s'accroche au peuple Sioux depuis toujours.

70 % au moins des gens ont ici un problème soit avec l'alcool, soit avec les drogues. Toutes nos villes meurent de ça. La boisson est toujours notre problème le plus important, elle est responsable de beaucoup de problèmes sociaux, d'un taux de décès sur la route très important, et elle cause l'épuisement de notre économie.

Pendant des années, les Conseils Tribaux, sur chaque réserve, ont été des régimes corrompus, contrôlés par le Bureau des Affaires Indiennes, une agence discutable, basée à Washington, et qui dépend du Gouvernement des Etats Unis. Elle est accusée de manipuler et de duper les Indiens des Réserves depuis plus de 100 ans. Ils sont en fait supposés être les gardiens de la Tribu, mais les gens du Bureau des Affaires Indiennes protègent les intérêts économiques des Etats Unis, en utilisant des forces de police bien souvent brutales, pour assurer leur position. Les Conseils Tribaux étaient pour la plupart dirigés par des Indiens sang mêlé, ou bien d'autres, non natifs de la Réserve. Ainsi, les indiens du coin avaient peu de choses à dire sur leur propre destinée. Aujourd'hui, de nombreux Conseils Tribaux sont plus représentatifs de la population indienne, et plus démocratiques. Mais l'homme de la rue reste quand même sceptique. Si vous connaissez bien quelqu'un qui siège au Conseil, alors, vous trouverez du boulot. Ici, dans la réserve de Lower Brule, c'est un homme seul et sa famille qui ont dirigé toute la réserve entière. Et ça s'est passé ainsi pendant 25 ans ! Tout l'univers de ces gens tourne autour des dollars et de la quantité d'argent qu'ils pourront extorquer pour eux-mêmes. Ils ont même essayé de construire une fosse pour enterrer les déchets radio actifs sur la réserve même. Mais, comme nous avons protesté, ils ont tout arrêté.

Les frustrations d'avoir un gouvernement corrompu, une police brutale, et une toujours grande pauvreté, ont fini par faire atteindre un point critique, au début des années 70, lorsqu'une organisation radicale, l'American Indian Movement, décida de résister. En 1973, ils organisèrent une occupation d'abord tout à fait pacifique de Wounded Knee, dans la réserve de Pine Ridge, qui fut le lieu d'un massacre commis par l'Armée Américaine en 1890, le 29 décembre. Des milliers de policiers ou d'agents du FBI ont cerné les Indiens, et lorsque le siège a pris fin, sans violence, après 71 jours, le FBI a déclaré une guerre secrète à l'AIM (Américan Indian Movement). Dans les quelques années qui suivirent, la plupart des leaders de l'AIM fut mise en prison, ou bien fut contrainte à vivre dans la clandestinité, ou bien fut assassinée. Il semblait que l'AIM était vue comme une menace, car le Gouvernement avait des intérêts dans les Blacks Hills : des gisements d'uranium tout à fait intéressants.

Encore aujourd'hui, les conditions de vie sur la réserve laissent à désirer. Le chômage s'élève entre 80 % et 90 %, quant aux assistances sociales assurées par le Gouvernement, ce n'est pas grand chose. En dehors des tickets d'alimentation, l'aide sociale moyenne est d'à peu près 4500 dollars par an. On attend des indiens qu'ils s'en sortent avec ça, mais ça semble être de l'ironie, quand on voit que la plupart des blancs américains des classes moyennes vivent  tout juste avec cette somme par mois. Si notre système d'entraide familiale n'était pas si fort, les gens mourraient de faim. Ceux qui arrivent à dénicher un job exercent des métiers manuels, très mal payés, dans l'agriculture ou l'industrie, souvent en dehors de la réserve.

Maintenant, enfin, il y a des signes que les choses commencent à s'améliorer. Il y a comme une résurrection du langage et de la culture, lentement. Il existe de  véritables écoles indiennes, comme St-Francis, sur la réserve de Rosebud, qui enseignent la langue Lakota, et les traditions.

On ne reçoit pour cette école aucune subvention de l'Etat, explique le principal, on est indépendant, ainsi, on peut enseigner ce qu'on veut. Les cérémonies spirituelles traditionnelles, comme la Danse du Soleil, et les Huttes de Sudation, sont maintenant tout-à-fait fréquentes dans les réserves. Le retour aux sources, à des mœurs plus traditionnelles, semble s'affirmer plus fortement d'année en année. Beaucoup de gens entre 35 et 45 ans trouvent la force d'arrêter l'alcool en retournant à la sagesse et aux traditions, et y retrouvent ainsi leur fierté.

L'économie des réserves a reçu un coup de fouet ces dernières années à cause d'un porcès dans lequel les Indiens Séminole habitant en Floried ont gagné le droit de construire des réserves sur leurs terres, alors même que les jeux d'argent étaient illégaux dans le reste de cet état. Il y a maintenant des casinos dans beaucoup de réserves Lakotas. Ils ont créé quelques emplois, mais beaucoup se plaignent que ces emplois n'aient pas été attribués de façon équitable, et que les salaires soient très bas. "Pour nous, ces casinos, c'est comme l'arrivée de nouveaux bisons", dit James Bordeaux, de la réserve de Rosebud. Mais un bison, ça peut aussi vous jeter à terre. Beaucoup croient que le jeu peut provoquer encore plus de problèmes sociaux sur la réserve.On a besoin d'une base économique plus solide. Et on a toujours pas fini de se disputer les Black Hills.

Il est maintenant tout-à-fait évident que même le plus libéral des gouvernements américains ne rendra jamais spontanément justice à la nation Lakota.... Il leur est nécessaire de lutter pas à pas pour obtenir chaque petite concession, et ils sont tout à fait déterminés à lutter.

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