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DALVA

comme je ne pleurais
pas, mon cur s'est pétrifié ;
eux pleuraient.
ENFANCE ET LIENS
FAMILIAUX
De
part l'histoire de sa famille et de sa naissance, Dalva porte en elle 1/8e de sang
indien. Mais selon elle, un individu en partie indien est néanmoins une
pure vue de l'esprit : soit on est indien, soit on ne l'est pas ; et cette décision
résulte d'une combinaison entre le sang qui coule dans vos veines et vos propres choix.
Ses liens avec sa mère Naomi sont depuis toujours empreints dune confiance et
dune liberté de parole peu communes. Le père de Dalva, aviateur, est parti faire
la guerre en Corée et nen est pas revenu. Dalva avait alors 9 ans. Dalva a une
sur, Ruth, dont le caractère est à 1000 lieux du sien : " Ruth
se situe entre Emily Dickinson et Virginia Woolf
elle est 100 % frappée dès
quil sagit des hommes " dit delle Ted, son
ex-mari. La seule amie de Dalva est Karen. Elles se sont rencontrées au collège
lorsquelles avaient 15 ans, et une fois adultes elles ont fait leurs vies loin
lune de lautre, mais Karen lui sera fidèle jusquau bout.
DALVA FEMME LIBRE ET
SOLITAIRE
Dalva
est larchétype de la femme libre : au début du roman, elle vit seule en
Californie Santa Monica- elle a 45 ans et exerce un métier social,
(elle a suivi des cours de psychologie à lUniversité de Minneapolis) . Elle
reçoit en consultation des enfants accrochés aux drogues, à l'alcool, et ayant aussi
fait des tentatives de suicide. Beaucoup de ces enfants sont issus de l'immigration
mexicaine. Dans son métier, Dalva parle l'espagnol la plupart du temps.
Dans
certaines circonstances où ses réactions deviennent épidermiques - lorsque par exemple
elle est agacée par Mickaël - Dalva a parfois des arguments
féministes : "Tu restes là à te gratter les couilles sous la
table dans un état de totale identification inconsciente avec les vainqueurs."
Elle
simagine sereinement vieillir comme une solitaire "
et
puis je vais me remettre au travail, acheter quelques chevaux, des chiens, et puis
vieillir
" " si je ny prenais garde, jallais
devenir une vieille femme solitaire, cette perspective ma paru très
séduisante
"
Dalva
a des amants, "
Parle moi de ton dernier amant
" dit
Naomi. Certains hommes l'attirent pour leur côté intellectuel : Je couche
aussi avec le cerveau de mon partenaire (voir page 92). Dailleurs Mickaël est un
mauvais amant, mais jaime bien sa compagnie.
Tu es une véritable bibliothèque ambulante, lui dit-elle lors
dune discussion.
Les
amants de Dalva deviennent ensuite ses amis, dailleurs elle peut compter sur eux et
ils lui conservent leur tendresse et leur confiance : comme lami gynécologue qui
soigne le jeune garçon mexicain violé. Selon Michaël, son amant, elle intimide les
hommes par son côté frondeur, indépendant, tranché. Certains des aspects de sa
personnalité sont virils : par exemple la manière dont elle vit ses nuits de sommeil : "j'ai
toujours eu une foi assez masculine et peut-être naïve dans les vertus bénéfiques du
sommeil -tant d'hommes croient que chaque matin est un nouveau départ, alors que les
femmes soupçonnent qu'une nuit de sommeil ne change pas grand chose aux choix
fondamentaux de l'existence." Dalva na été élevée par Naomi
ni spécifiquement comme une fille, ni spécifiquement comme un garçon : "cela
sapplique peut-être davantage aux hommes quaux femmes, mais
mon éducation ne marquait pas trop nettement cette différence."
A tel point que Naomi dit d'elle qu'il n'y a pas une seule
prérogative d'ordinaire accordée aux hommes qu'elle ne se soit annexée dès qu'elle en
ressentait le désir.
CELLE QUI
SOUFFRE : le Wanagi Canku et le Hanblecheyapi
Dalva est celle qui souffre : deuils et séparations ont jalonné sa
vie dès ses 15 ans (décès de son père à la guerre quand elle est enfant, départ de
son amant Duane, abandon de son bébé, puis mort de son grand-père (qui tenait le rôle
du père de substitution) ces trois derniers deuils entre 15 et 16 ans. Ensuite vers
l'âge de 30 ans, elle retrouvera Duane pour le perdre aussitôt. Puis, à l'époque où
se situe l'intrigue, alors qu'elle a 45 ans, c'est Rachel, mère indienne de Duane,
qu'elle perdra. Rachel dit de la mort qui l'attend qu'il s'agit pour le mourant
d'emprunter la Route Fantôme : le Wanagi Canku.
Elle
est aussi celle qui part à la recherche de son passé. Elle se met à la recherche, à
lâge de 45 ans, du fils quelle a du abandonner alors quelle avait 15
ans : " je navais pas pleuré lors de lenterrement,
mais tous ceux que javais déjà perdu au cours de ma brève existence, deux pères,
un fils, un amant, ont commencé de tourbillonner dans mes esprits
".
Quelquefois, la souffrance fut si forte qu'elle fut tentée par la mort et c'est
son amie Karen qui lui sort "la tête de l'eau" lors d'une baignade où elle se
sentait attirée par le fond d'une rivière. Elle panse ses plaies à chaque fois chez son
oncle Paul, lorsqu'elle perd son fils comme lorsqu'elle perd une ultime fois son amant
Duane, puis plus tard lors de la mort de Rachel. Rachel a d'ailleurs une autre expression
indienne qui décrit "le rite de lamentation", la période où on exprime toute
sa détresse avant de recevoir une nouvelle vision de l'existence : le Hanblecheyapi.
Dans
ses rêves, lorsque les épreuves de sa vie se revivent, ses chagrins prennent une autre
dimension, ils s'expriment par la voie de vieux indiens, d'animaux sacrés, de
transformations, et elle en vient au réveil à ressentir, en plus de la sienne, celle de
ses ancêtres : "tous ces pleurs étrangers quelque part près de mon
cur. Qui pleure en moi ?" Comme le dit Michaël,
ce n'est pas que Dalva soit une femme malheureuse, "mais je
commençais de comprendre qu'elle était d'une certaine façon l'héritière spirituelle
de toutes ces âmes blessées."
Lors
du deuil de Duane, alors qu'elle a une trentaine d'années (au début des années
70), elle passera même par une véritable période dépressive. Pour l'aider dans cette
épreuve, elle est allée consulter un analyste qui lui déclare " que
la souffrance est une maladie souvent mortelle mais qui se soigne ". Mais
bien souvent lorsqu'elle se sent emportée par la tristesse, Dalva pense : "Maudit
soit le monde qui m'enlève mon père et mon fils. Ainsi que mon mari."
La
souffrance de ces deuils répétitifs qui la laissent à chaque fois seule, abandonnée,
est peut-être l'une des motivations du souhait très fort qu'elle a de retrouver son
fils, auquel elle pense avec beaucoup de nostalgie et de manque :
"quelquepart, mon fils a quinze ans". Cette recherche de son fils
prend parfois un aspect désespéré, éperdu, fiévreux : j'ai
appelé Andrew chez Ted, pour le supplier de prendre quelques jours de congé, d'aller à
Tucson et de se mettre à la recherche de mon fils. Il a écouté ma voix hachée,
paniquée... Certains trouveront sans doute un peu prétentieux de ma part de dire
"mon fils" (...) Mais je me savais imperméable à tout argument
rationnel, au-delà ou en-deçà, et j'avais malgré moi tellement pensé à ce problème
qu'il se réduisait désormais à un nud, à une boule bien dure au fond de ma gorge
(...) J'ai été incapable de lui dire autre chose, je ne parvenais plus à respirer,
j'avais des crampes d'estomac. (...) je suis une femme assise sur une souche et je désire
aimer mon fils, du moins lui toucher le bras, le connaître et le reconnaître.
Un
jour, Dalva descend ans la cave de la maison de son grand-père, endroit humide, sombre et
intimidant comme un inconscient d'homme, et là où elle va découvrir le secret de son
grand-père, elle va pouvoir déposer une grande partie de son fardeau de tristesse : Mon
père et Duane m'ont d'abord paru être à mes côtés, puis disparaître en emmenant avec
eux la jeune fille en pleurs que j'avais sentie dans ma poitrine (...) il y avait un creux
dans ma poitrine à l'endroit jadis occupé par la jeune fille en pleurs.
C.J. |